Approche de la différenciation des tachycardies à complexe QRS large | Radcliffe

La différenciation des tachycardies à complexe QRS large présente un dilemme diagnostique difficile pour de nombreux médecins malgré les multiples algorithmes et approches publiés1. Le diagnostic différentiel comprend la tachycardie supraventriculaire conduisant sur les voies accessoires, la tachycardie supraventriculaire avec conduction aberrante, la tachycardie atrio-ventriculaire réentrante antidromique, la tachycardie supraventriculaire avec élargissement du complexe QRS secondaire à des anomalies médicamenteuses ou électrolytiques, la tachycardie ventriculaire (TV) ou des artefacts électrocardiographiques. Le diagnostic correct est essentiel car il a des implications significatives sur le pronostic et le traitement. Dans cet article, nous aborderons les facteurs qui soutiennent le diagnostic de TV ainsi que certains algorithmes utiles à l’évaluation des tachycardies régulières à large complexe QRS.

Apparition

C’est une idée fausse quelque peu répandue que les patients souffrant de tachycardies ventriculaires sont presque toujours hémodynamiquement instables.2 La pression artérielle du patient ne peut pas être utilisée comme un signe fiable pour la différenciation de l’origine d’une arythmie. Dans une petite étude de Garratt et al. une variation cliniquement détectable du premier bruit cardiaque et l’examen de la pression veineuse jugulaire ont été notés comme étant utiles pour le diagnostic d’une origine ventriculaire de l’arythmie.3

Substrat

L’évaluation des antécédents d’un patient peut soutenir la probabilité accrue d’une arythmie originaire du ventricule. Une tachycardie à large complexe QRS chez un patient de plus de 35 ans est plus susceptible d’être une TV.4 Des antécédents connus de maladie coronarienne, d’infarctus du myocarde antérieur ou de cardiomyopathie font de la TV un diagnostic probable. Des antécédents de cardiopathie ischémique ou d’insuffisance cardiaque congestive permettent de prédire à 90 % l’origine ventriculaire d’une arythmie.4 Les patients atteints de cardiomyopathie obstructive hypertrophique sont susceptibles de présenter une TV.5 Des antécédents connus de dysplasie ventriculaire droite arythmogène ou de TV polymorphe cathécolaminergique doivent également orienter vers une origine ventriculaire de la tachycardie.

La tétralogie de Fallot est une lésion congénitale cyanotique courante.6 Les patients présentant des conditions non réparées et réparées sont susceptibles de présenter une TV.7,8 Les patients ayant des antécédents de dystrophie musculaire de Duchenne, de dystrophie musculaire de Becker, de dystrophie myotonique, d’ataxie de Friedreich et de dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss présentent un risque accru de développer des cardiomyopathies9. Ainsi, un diagnostic de TV doit être envisagé chez ces patients présentant des tachycardies à large complexe.

Des antécédents de syndromes du QT court et long rendent également probable une origine ventriculaire de la tachycardie.10-12 Cependant, les patients présentant un syndrome du QT court et le syndrome de Brugada sont plus susceptibles de présenter une fibrillation ventriculaire plutôt qu’une TV. Les maladies infiltrantes du cœur, telles que l’amylose cardiaque ou la sarcoïdose, peuvent également prédisposer les patients aux arythmies ventriculaires.13,14 Il est intéressant de noter que la TV est également fréquente chez les patients atteints de la maladie de Chagas.15

Les médicaments doivent être examinés attentivement. Les médicaments antiarythmiques de classe I et de classe III de Vaugham Williams, les médicaments multiples qui allongent le QT et la digoxine à des niveaux toxiques peuvent provoquer une TV.

L’électrocardiogramme

Un examen attentif de l’électrocardiogramme (ECG) peut fournir des indices sur l’origine d’une tachycardie à large complexe QRS. La présence d’une dissociation auriculo-ventriculaire favorise fortement le diagnostic de TV. Cependant, elle peut également être observée dans la tachycardie jonctionnelle auriculo-ventriculaire en l’absence de conduction rétrograde.16 Même si les battements de capture et de fusion ne sont pas fréquemment observés, leur présence suggère une TV.

La comparaison avec l’ECG de base est une partie importante du processus. Un changement de la morphologie ou de l’axe du complexe QRS de plus de 40°, ainsi qu’un axe QRS de -90° à -180° suggère une origine ventriculaire de l’arythmie.17,18 Un complexe QRS entièrement positif dans la sonde augmentée ventor gauche (aVR) soutient également le diagnostic de TV.17 Lorsque le rythme sinusal avec un QRS large devient étroit avec une tachycardie, cela indique une TV.19. La morphologie d’une tachycardie similaire à celle des contractions ventriculaires prématurées observées sur des ECG antérieurs augmente la probabilité d’une origine ventriculaire de l’arythmie.

Une approche de l’interprétation des tachycardies à complexe QRS large consiste à les diviser en morphologie de bloc de branche droit (le complexe QRS étant principalement positif dans la sonde V1) et en morphologie de bloc de branche gauche (le complexe QRS étant principalement négatif dans la sonde V1).20

Les tachycardies à complexe large avec des morphologies de bloc de branche droit sont plus susceptibles d’être d’origine ventriculaire en présence des critères suivants :

  • Durée du complexe QRS supérieure à 140 ms;
  • Présence d’une concordance positive dans les dérivations précordiales;
  • Axe supérieur du complexe QRS;
  • Présence d’un complexe qR, R ou RS ou d’un complexe RSR’ où R est plus grand que R’ et S passe par la ligne de base dans V1 ; et
  • Un rapport R/S supérieur à un dans V6.4,20-22

Les tachycardies à morphologie de bloc de branche gauche sont plus susceptibles d’être des TV si elles présentent les caractéristiques suivantes :

  • Durée du complexe QRS de plus de 160 ms ;
  • Présence d’une concordance négative dans les dérivations précordiales ;
  • Présence d’un complexe rS dans V1 ; et
  • Complexe QS le plus souvent négatif dans V6.4,20-22

En plus de ces critères, la présence d’une onde R d’une durée supérieure à 30 ms, d’une encoche dans la descente de l’onde S, ou d’une durée entre le début du QRS et le nadir de l’onde S dans les dérivations V1 ou V2 supérieure à 60 ms et de toute onde Q dans la dérivation V6 favorise l’origine ventriculaire d’une arythmie23. Un protocole pour la différenciation d’une tachycardie régulière à large complexe QRS a été publié par Brugada et al.24. Il comprenait quatre critères diagnostiques :

  • l’absence d’un complexe RS dans toutes les dérivations précordiales ;
  • un intervalle entre l’onde R et l’onde S de plus de 100 ms dans n’importe laquelle des dérivations précordiales ;
  • la présence d’une dissociation atrio-ventriculaire ; et
  • la présence de critères morphologiques pour la TV dans les dérivations V1-2 et V6.

La présence de l’un de ces critères soutient le diagnostic de TV. Les critères morphologiques du bloc de branche droit pour la sonde V1 sont : la présence d’une onde R monophasique, d’une morphologie QR ou RS ; pour la sonde V6 : une onde S plus grande que l’onde R, ou la présence de complexes QS ou QR. Pour la morphologie du bloc de branche gauche, les critères comprennent : pour V1-2 : une onde R d’une durée supérieure à 30 ms, une encoche dans la descente de l’onde S, ou une durée entre le début du QRS et le nadir de l’onde S supérieure à 70 ms ; pour la sonde V6 : la présence d’un complexe QR ou RS. Pour l’évaluation finale, au moins un critère pour V1-2 et V6 doit être présent pour diagnostiquer une TV. Bien qu’il s’agisse d’un excellent protocole, avec une sensibilité de 88-92 % et une spécificité de 44-73 % pour la TV, il nécessite de se souvenir de plusieurs critères morphologiques.25,26

La majorité des protocoles utilisent la tachycardie supraventriculaire comme diagnostic par défaut de la tachycardie à large complexe QRS. Seule la présence de critères ECG spécifiques est utilisée pour diagnostiquer l’arythmie comme une TV. Contrairement aux protocoles précédents, la TV a été utilisée comme diagnostic par défaut par Griffith et al.27 Seule la présence de critères typiques de la branche du faisceau a permis de diagnostiquer l’origine supraventriculaire de l’arythmie. Un algorithme diagnostique bayésien, avec l’attribution de différents rapports de similitude de différents critères ECG provenant de protocoles publiés historiquement et utilisés par Lau et al. s’est avéré avoir une très bonne précision diagnostique.28 Cependant, ce protocole n’a pas intégré certaines caractéristiques importantes, telles que la dissociation auriculo-ventriculaire, car elles ne pouvaient pas être vérifiées dans tous les cas. Il est intéressant de noter qu’aucune différence statistiquement significative en termes de sensibilité et de spécificité n’a été trouvée entre les approches de Brugada, Griffith et l’algorithme bayésien.25

En 2007, Vereckei et al. ont proposé un algorithme pour la différenciation des tachycardies monomorphes à large complexe QRS.26 Il se compose de quatre étapes. Si un patient répond à un critère à l’une des étapes, alors le diagnostic de TV est posé, sinon on passe à l’étape suivante. Les quatre critères sont :

  • la présence d’une dissociation atrio-ventriculaire ;
  • la présence d’une onde R initiale dans la sonde aVR ;
  • une morphologie de QRS différente du bloc de branche ou du bloc fasciculaire ; et
  • la somme algébrique du voltage des 40 premières ms divisé par les 40 dernières ms est inférieure ou égale à un.

Cet algorithme a une meilleure sensibilité et spécificité que les critères de Brugada étant respectivement de 95,7 et 95,7 %26. Plus récemment, un nouveau protocole utilisant uniquement la sonde aVR pour différencier les tachycardies à complexe QRS large a été introduit par Vereckei et al.29. Il se compose de quatre étapes :

  • la présence d’une onde R initiale;
  • la présence d’une onde q ou r initiale d’une > durée de 40 ms;
  • la présence d’une encoche sur la branche descendante d’un complexe QRS à début négatif et à prédominance négative ; et
  • le rapport de la somme des variations de tension de l’onde initiale sur les 40 dernières ms du complexe QRS étant inférieur ou égal à un.

Comme pour l’algorithme précédent, un seul des quatre critères doit être présent. La sensibilité et la spécificité de ce protocole sont respectivement de 96,5 et 95,7 %, ce qui est similaire à l’alghorithme précédent publié par ce groupe.29

Pour renforcer le matériel, nous aimerions offrir de ce protocole sont respectivement de 96,5 et 95,7 %, ce qui est similaire à l’alghorithme précédent publié par ce groupe.29 Pour renforcer le matériel, nous aimerions offrir deux ECG pour examen (voir figures 1 et 2). Le tableau 1 résume les protocoles de Brugada et de Vereckei. Les trois algorithmes doivent être pris en compte lors de l’examen des échantillons d’électrocardiogrammes.

Conclusion

La différenciation des tachycardies à complexe QRS large reste un défi diagnostique (voir tableau 2). Poser le bon diagnostic a des implications thérapeutiques et pronostiques importantes. Il existe de multiples approches et protocoles, chacun ayant ses avantages et ses inconvénients. Aucun protocole n’est précis à 100 %. Dans cet article, nous essayons de résumer les approches que nous considérons comme optimales pour l’évaluation des patients présentant des tachycardies à complexe QRS large. De notre point de vue, le dernier protocole de Verekei et al. est l’un des plus faciles à utiliser tout en ayant une bonne sensibilité et spécificité. Nous recommandons donc l’approche suivante : évaluation du  » substrat  » de l’arythmie, puis évaluation de l’ECG pour détecter les battements de fusion, les battements de capture et la dissociation auriculo-ventriculaire. Il faut ensuite prêter une attention particulière au changement potentiel de la largeur et de l’axe du complexe QRS en le comparant au complexe QRS de l’ECG de référence. Nous recommandons d’utiliser un protocole avec lequel on est le plus familier et le plus à l’aise et de le compléter avec les étapes d’autres protocoles pour améliorer la précision du diagnostic. Toutefois, en cas de doute, traitez l’arythmie comme s’il s’agissait d’une TV, car environ 80 % des tachycardies à complexe QRS large sont d’origine ventriculaire30,31

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