Les premières années de la reconstruction.
Lorsque Frederick William, totalement inexpérimenté en politique, succède à son père comme électeur en décembre 1640, il prend en charge une terre ravagée et occupée par des troupes étrangères. Sous le puissant favori de son père, le Graf Adam von Schwarzenberg, le Brandebourg avait changé de camp, passant des Suédois aux Habsbourg, et avait donc été entraîné dans la lutte des deux côtés. Résidant jusqu’en 1643 non pas dans le Brandebourg, le cœur de son domaine, mais plutôt à Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie), la capitale du lointain duché de Prusse, l’électeur mène d’abord une politique de neutralité prudente afin d’échapper à la pression des puissances rivales. Il décharge les troupes brandebourgeoises au service de l’empereur des Habsbourg et conclut un armistice avec la Suède.
Il reconnut cependant rapidement que, sans armée, il ne pourrait jamais devenir maître chez lui. En 1644, au début des négociations pour conclure la guerre de Trente Ans, il avait déjà commencé à organiser sa propre force militaire. Bien que son armée soit petite, le Brandebourg ne peut la soutenir sans réquisitionner des fonds auprès du duché de Clèves, à l’ouest, et du duché de Prusse. Pour la première fois, les territoires du Brandebourg, unis uniquement par leur allégeance à la personne de l’électeur, sont réunis dans un but politique. L’armée permanente est la première institution utilisée par les souverains de plus en plus absolutistes du Brandebourg pour combattre les privilèges des domaines des différents territoires. Elle ne fut jamais entièrement dissoute et devint le noyau de l’armée prussienne du 18e siècle.
Cette armée n’était pas assez importante pour permettre à Frédéric-Guillaume de mener une politique étrangère indépendante. De plus, son mariage en 1646 avec Louise Henriette d’Orange n’a pas apporté le soutien néerlandais escompté. Faute de soutien des grandes puissances amies lors du congrès de paix de Westphalie en 1648, il n’atteint pas son objectif d’acquérir toute la Poméranie, avec l’estuaire de l’Oder et l’important port de Stettin (depuis 1945 Szczecin). Il dut se contenter de la Poméranie orientale, des diocèses sécularisés de Minden et Halberstadt, et de la promesse de l’archevêché de Magdebourg, autant d’éléments pourtant importants comme liens avec ses possessions d’Allemagne occidentale.
Après sept années de reconstruction pacifique, Frédéric-Guillaume vit ses capacités politiques et militaires mises à rude épreuve avec le déclenchement de la première guerre du Nord (1655-60). En envahissant la Pologne, le roi Charles X Gustave de Suède cherchait à étendre le pouvoir dans la Baltique que la Suède avait obtenu par la paix de Westphalie. Frédéric-Guillaume, en tant que duc de Prusse, devait fidélité au roi de Pologne, mais, lorsque la Suède lui a proposé une alliance en échange du contrôle des ports de Prusse orientale, l’électeur a choisi la neutralité armée. Lorsque Charles-Gustave a rapidement envahi la Pologne et avancé vers la Prusse orientale, Frédéric-Guillaume a dû échanger la suzeraineté polonaise contre la suzeraineté suédoise et fournir un soutien armé à Charles-Gustave. Lors de la bataille de Varsovie, qui dure trois jours en juillet 1656, l’armée inexpérimentée du Brandebourg, sous le commandement de l’Électeur, passe son épreuve du feu. Pour garder l’Électeur de son côté, le roi de Suède lui accorde la pleine souveraineté sur le duché de Prusse. Cela n’empêche pas Frédéric-Guillaume, lorsque la position militaire de la Suède se détériore, d’entamer des négociations avec la Pologne, qui renonce désormais à la suzeraineté sur la Prusse orientale. Avec ses nouveaux alliés, la Pologne et l’empereur Habsbourg, le Prince Électeur chasse les Suédois de la Poméranie occidentale. L’intervention de la France contraint toutefois Frédéric-Guillaume à renoncer une nouvelle fois à ses conquêtes poméraniennes. Ratifiée dans le traité d’Oliva en 1660, cette renonciation est équilibrée par la confirmation de la pleine souveraineté de l’Électeur sur le duché de Prusse.
La capacité de l’Électeur à parvenir à ses fins provient non seulement de la facilité avec laquelle il change de camp, mais aussi de son succès à forcer les domaines provinciaux à soutenir l’armée permanente indépendamment des crédits d’impôts des diètes. Dans la seconde moitié de son règne, il retira complètement aux domaines le contrôle de la fiscalité et des finances, jetant ainsi les bases de la puissante bureaucratie de l’absolutisme prussien ultérieur, avec son armée permanente, ses impôts fixes et une administration dépendant du seul souverain.