L’abolitionniste de la peine de mort qui a inventé la guillotine

Un jour de mai 1738, selon la légende, une femme approchant la fin de sa grossesse marchait dans une rue de Saintes, en France, lorsqu’elle a entendu les cris d’un homme en train d’être exécuté sur la roue de brisure de la ville. (Le condamné était attaché à une grande roue, les membres étirés en étoile de mer, puis battu avec une massue pour briser les os). Les cris de l’homme étaient si traumatisants, selon l’histoire, que la femme a commencé à accoucher sur le champ.

Les circonstances, si elles sont vraies, convenaient à la personne qui est venue au monde ce jour-là. Comme l’a écrit l’historien français Daniel Arasse, « les conditions de sa naissance ont déterminé sa renommée ultérieure » – le bébé, Joseph Ignace Guillotin, allait grandir pour inventer l’un des instruments d’exécution les plus meurtriers de son temps. Mais avant d’inventer la guillotine, il allait consacrer une carrière à faire pression contre la peine de mort en France.

Le début de la carrière de Guillotin était accompli, bien qu’autrement peu remarquable : Il travaille brièvement comme professeur de littérature à l’université de Bordeaux, puis part pour Paris, où il étudie la médecine, puis s’installe comme médecin praticien. En 1788, il rédige un pamphlet intitulé « Pétition des citoyens vivants de Paris », qui plaide en faveur d’une plus grande représentation des non-nobles dans le corps législatif appelé les États généraux. L’année suivante, en grande partie grâce à l’attention qu’il a reçue pour la  » Pétition « , il devient représentant aux États, lançant ainsi sa carrière politique.

En tant que politicien, Guillotin se concentre principalement sur la réforme médicale. Il était également un opposant à la peine de mort et, reconnaissant peut-être que l’abolition pure et simple était peu probable, il a concentré son énergie à rendre la peine capitale plus humaine – et plus égalitaire. À l’époque, seule la noblesse française avait le douteux privilège d’être décapitée par l’épée ; la plupart des criminels condamnés à mort étaient pendus au gibet (ou, dans certains cas macabres, envoyés à la roue de démolition).

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Le 10 octobre 1789, Guillotin a soumis une proposition au gouvernement français plaidant pour qu’une machine à décapiter devienne la manière standard d’exécuter la peine de mort. Au départ, la proposition n’a pas eu beaucoup de succès, mais en décembre, Guillotin a prononcé un discours devant l’Assemblée nationale qui a finalement élevé l’homme et l’idée à une renommée internationale. Dans un moment d’enthousiasme, il a déclaré à son auditoire :  » Maintenant, avec ma machine, j’enlève votre tête en un clin d’œil, et vous ne le sentez jamais. »

Le lendemain, Les Actes des Apôtres, une revue populaire française, se moque en chanson du commentaire de Guillton (cette traduction provient du Chambers Edinburgh Journal, une revue britannique du XIXe siècle) :

Politicien,
et médecin,
S’est dit, c’est clair,
que la pendaison n’est ni humaine
ni patriotique;
Et a tout de suite montré
Un mode astucieux
Pour tuer – sans douleur – les hommes;
Qui, dépourvu de corde ou de pieux,
Supprime
les pendus. …

Et puis, de façon désinvolte,
Son génie a prévu
Cette machine qui tue « simplement » – c’est tout-
Qu’on appelle après lui
« Guillotine »

Pour Guillotin, c’est le moment où son nom devient à jamais synonyme de décapitation. (Comme l’a noté le Chambers’ Journal, les trois autres hommes politiques mentionnés dans la version intégrale de la chanson étaient tous connus comme des membres violents de l’Assemblée nationale. Tous, par coïncidence, ont également été tués plus tard par la guillotine, tout comme l’auteur de la chanson, le Chevalier de Champcenetz.)

Malgré la gaieté publique autour des commentaires de Guillotin, toutes ses propositions ont finalement été approuvées. Le 3 juin 1791, l’Assemblée décrète que la machine à décapiter sera le seul moyen d’exécution criminelle légale, et charge le politicien Pierre Louis Roederer de superviser sa construction.

Roederer contacte Guillotin le 10 mars 1792 pour demander sa participation, mais il n’existe aucun document indiquant si le médecin a obtempéré. Dans l’intervalle, il a d’abord eu du mal à trouver des ouvriers pour le travail, en raison de leur inquiétude quant à la stigmatisation d’être affilié à la machine. Après avoir reçu une lettre suggérant que les ouvriers demanderaient des prix exorbitants pour leur participation, Roederer a écrit à un entrepreneur potentiel : « Le préjugé existe en effet, mais j’ai des offres d’autres personnes… à condition qu’elles ne doivent pas… voir leur nom exposé comme étant lié à l’objet. »

Enfin, Roederer conclut un accord avec un fabricant de clavecins allemand, Tobias Schmidt, pour fabriquer la guillotine. La machine est d’abord testée sur des moutons, des veaux et des cadavres humains ; le premier humain à être victime de la guillotine est Nicolas Jacques Pelletier, en 1792. À partir de là, la guillotine va régner pendant deux siècles : Elle reste le moyen d’exécution standard pour les condamnés civils en France jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981. Guillotin, écrit le Journal d’Édimbourg de la Chambre, « regrettait amèrement jusqu’au dernier moment de son existence » sa participation à l’appareil de mise à mort.

Malgré le mythe public persistant selon lequel Guillotin aurait lui-même été tué par sa machine éponyme, le médecin est mort à 75 ans de causes naturelles. (Le mythe était cependant si répandu que le populaire Johnson’s Dictionary l’a même enregistré comme un fait sous l’entrée de la guillotine). Lors de ses funérailles, l’ami de Guillotin, le médecin Edme-Claude Bourru, a fait l’éloge du défunt médecin, commentant : « Comme il est vrai qu’il est difficile de rendre service à l’humanité sans qu’il en résulte pour soi-même quelques désagréments. »

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